SHUCK ONE
Né à Pointe-A-Pitre en 1970, Shuck One découvre le graffiti au début des années 80 à travers des revendications murales indépendantistes aux Antilles. Ce flash eut un effet moteur qui ne l’a jamais quitté et qu’il a emmené avec lui tel un précieux bagage à Paris, où il s’installe en 1984……..LIRE LA SUITE
EXPOSITION SHUCK ONE
ARCACHON
Du 29 juillet au 16 septembre 2018
AU NOM DES MIENS
Sem a donné naissance aux peuples sémites.
Cham a donné naissance aux peuples africains.
Les descendants de Japhet ont peuplés l’Europe et l’Asie – n’oublions pas que les Grecs se sont considérés un temps comme des Noirs… comme les Nubiens remontant le Nil qui ont peuplé l’Égypte antique, celle des déesses et des Pharaons aux pyramides éternelles ! Le XIXe siècle, fut le siècle de la science, des expériences et des considérations nauséabondes ! Celui de la race. L’anthropologie, les explorations, les conquêtes, les invasions, les missionnaires ont poussé la vieille Europe de la pensée unique et de la culture dominante à déranger des peuples qui vivaient de façon digne avec leurs cultures ancestrales depuis le début de l’histoire. Non pas despeuples sans histoire, ni hors de l’histoire. Mais des peuples qui se passaient de l’histoire de l’Europe.
Cette série de 4 œuvres grand format en noir et blanc sur papier est le théâtre d’un dialogue intense et profond portant sur la nécessité mutuelle du noir et du blanc. Le choix de la bichromie épouse ainsi la réalité génétique de l’humanité. N’en déplaise à Antoine de Gobineau, ce diplomate médiocre et aigri de la fin du XIXe siècle qui proclamait « l’inégalité des races humaines » en 1885.
En offrant une représentation du métissage du noir et du blanc, ces œuvres sont l’aboutissement et la synthèse de rencontres en tout genre entre cinéma, culture, musique, littérature, visions sociales, débats politiques… Résultats d’expériences multiples, de divers voyages physiques et psychiques, réels et imaginés, ces œuvres répondent à ma condition de métis dans le monde. Elles offrent la
traduction picturale d’une situation existentielle. Le foisonnement organique, symphonique et symbolique du noir et du blanc atteint jusqu’aux méandres du cerveau de l’observateur de ces deux civilisations dont les différents langages condensés sur le papier traduisent des siècles de conflits et de mélanges.
Graffiti
MALGRE LE SARCASME DES UNS MALGRE L’INDULGENCE DES AUTRES ET AU GRAND DAM DES UNS ET AU GRAND DAM DES AUTRES PLAISE A MON CŒUR MIS UN INSTANT A NU D’AFFICHER SUR LES MURS ET AUTRES LIEUX DE LA VILLE DE CRIERA TUE-TETE SUR LES TOITS DE LA VILLE A BAS TOUT VIVE RIEN DE QUOI LES UNS DE QUOI LES AUTRES AURONT-ILS L’AIR AVEC TOUS LES SARCASMES AVEC LEUR INDULGENCE
Léon Gontran Damas
AFRO HEAD
Têtes d’un continent, têtes humaines, têtes de nègres, têtes de Noirs, têtes de boscaves, têtes d’enfants, têtes de femmes, têtes d’hommes, têtes sculptées, têtes de diasporas, têtes de migrants…
Têtes africaines issues d’un continent, matrice de l’humanité, jadis la destination, la cible d’un Tout- Monde en quête de découvertes, d’explorations, de missions religieuses, de recherches de richesses et d’expériences en tout genre qui marqueront le crépuscule obscur de ce merveilleux continent ! Vos figures me parlent d’un temps, d’une civilisation, d’un monde, d’une terre qui, depuis mon enfance à Pointe-À-Pitre, m’ont questionné au point de m’y rendre et d’y retrouver des gênes, des similitudes, des valeurs qui, aujourd’hui, nous paraissent bien lointaines… Pour autant, rassurez moi…
sont-elles si lointaines ?
On me dit que vous êtes étrangers à vous-mêmes ! Vos figures, vos visages sont marquées par des siècles d’inhumanité, de caricatures, de dénigrements, synonymes d’un monde obscur engendré par le mal subi… Boue, sciure de bois, vernis marin balancés sur vos visages… éclaboussent et éclatent et explosent vos visages à coups de dripping, de jets, d’explosions picturales… Autant de pensées, de références jetées sur le pont de vos peaux comme les seaux d’eau de mer balancés pour nettoyer le lieu des cargaisons où vous furent entassés.
AFRO HEAD, vos visages sont les radeaux des cicatrices des scarifications de l’histoire sur vos corps…
Cette boue, cette sciure de bois, ce vernis marin qui ont collé à votre peau lors des voyages
abominables de l’esclavage sont de la même matière infâme qui colle aujourd’hui aux visages de vos frères et de vos soeurs aujourd’hui appelés « migrants ».
L’ensemble de cette installation est le fruit de recherches historiques sur l’aspect et la représentation des visages africains et afro-descendants. Ces portraits quasi totémiques prennent le contre-pied des affiches apposées sur les murs avant les ventes aux enchères des esclaves. Ces figures nous renvoient à leurs ancêtres, à leurs ethnies et surtout à leurs pays de naissance en Afrique. Elles questionnent nos origines et la composition des sociétés africaines et de leurs diasporas… L’exposition AFRO HEAD met en scène au mur cet ensemble de portraits réalisés à l’aérosol, à l’encre, aux pochoirs noir mat et brillant, dont le vernis marin et les lasures de bois rehaussent les volumes. Ces éléments se frottaient, s’imprégnaient durant les voyages. Ils sont la matière maritime des départs et des infortunes de mer. Ces différentes représentations de figures d’esclaves sur le mur entendent rappeler le marché des esclaves, le système de vente et d’après-vente de l’époque. Ces visages sont sous l’influencent de la peur, de l’attente de la prochaine étape de leur calvaire.
Une fois achetés, c’est en lot ou séparé que ces êtres humains étaient rassemblés et parqués comme des fagots au service des domaines esclavagistes. Et marqués au fer sous un soleil de plomb.
En montrant cette composition de portraits sur le mur, je souhaite offrir aux vies que j’évoque la possibilité de ressurgir dans cet espace d’exposition, afin de poursuivre la réflexion sur le monde de l’époque, dont la cruauté ne finit pas de nous interroger. Ainsi, mon art entend collaborer au dialogue sur notre histoire commune. Impératif de tolérance et devoir de lucidité.
Shuck One, 2018